Avouons qu’en anglais, le pissenlit a plus de mordant et de classe : dandelion. Littéralement, dents de lion, en référence à ses feuilles dentées et sans doute aussi à sa puissance, sa résistance. Alors, pourquoi avoir choisi ce fameux pissenlit comme identité ? Pourquoi lui avoir accolé la belle hirondelle ? Il est temps de les placer en majesté sur un canapé pour mieux se présenter.
Femme avec des dents, 45 ans, des racines méditerranéennes et aveyronnaises, ayant vécu autant en pays ardéchois cévenol qu’à Paris, aimant par dessus tout écouter les pépiements des oiseaux, sous un rayon de soleil, en lisant la dispersion des mots des autres. Cela peut être une première description relativement exhaustive.
Dans le questionnaire de Proust, à la question “quelle fleur seriez-vous ?”, je répondrai sans hésiter : le pissenlit. Parce que j’ai une petite vessie ? Oui, mais pas que. Parce que ma couleur préférée est le jaune, le jaune franc, le jaune du soleil méditerranéen, le primaire qui crée la lumière. Je suis, depuis peu, absolument photosensible. Je dépéris sans lumière.
Et quoi d’autre ? Parce que j’ai des racines auxquelles m’agripper et qu’elles sont hautement comestibles. La cuisine, c’est un des plaisirs de ma vie et elle m’a été transmise. Par ma grand-mère et mon père aveyronnais et par mon grand-père maternel, espagnol d’origine et français de coeur et d’estomac, compagnon du devoir et connaissant toutes les bonnes tables, caves et producteurs de son Tour de France. J’ai fêté mes 10 ans chez Pic, mes 15 chez Bras, mes 20 à l’Oustau de Baumanière. J’ai tué le cochon et mangé le sanglier chassé. J’ai nourri les poules, les pintades et les lapins. J’ai cueilli les tomates et les fraises dans le jardin pour le petit-déjeuner et les haricots verts pour le diner.
Mes racines comestibles, ce sont surtout toutes ces choses que la terre d’où l’on vient vous transmet sans vous le crier, juste en poussant en vous avec l’âge. Ce sont la rudesse de l’hiver aveyronnais et les crues de l’Ardèche qui vous apprennent à être vigilante et à laisser passer le flot. Ce sont l’encaissement des falaises brulantes et l’isolement têtu du Rougier, qui vous content la beauté d’être seul. Ce sont les fêtes votives et les chars du carnaval du 1er mai, qui montrent que l’avenir est un recommencement pour des générations. Mes racines, j’ai voulu les arracher, chez les Jésuites, en pension. Et aujourd’hui, je suis prête à les déguster.
Et quoi encore dans le pissenlit ? Les feuilles dentues, âpres et juteuses.